mardi 22 novembre 2011

Fin de Flash sur Android ou chronique d'une mort annoncée

En tant que conseiller en technopédagogie chargé de concevoir des activités de formation, je m'intéresse depuis quelques temps à la guerre entre Adobe et Apple au niveau de l'intégration du Flash Player sur les appareils mobiles produits par Apple. Pour moi ce n'était qu'une question de temps avant qu'Apple décide d'emboîter le pas aux autres grands joueurs du monde mobile (Google, Research In Motion et Microsoft) et accepte l'implantation de ce petit logiciel sur son iOS, le système d'exploitation derrière tous les iPhone, iPad et iPod Touch de ce monde. Après tout, Flash est un joueur si présent dans le monde du Web qu'une telle ouverture devenait presque inévitable.

Or voilà qu'une nouvelle est tombée il y a un peu plus d'une semaine qui vient un peu perturber cette conviction que j'avais... Adobe décide de cesser de développer le Player Flash destiné aux appareils Android et BlackBerry.

La nouvelle

Comme on peut le lire sur l'Adobe Features Blog (https://blogs.adobe.com/conversations/2011/11/flash-focus.html), Adobe vient d'annoncer qu'elle cessait dès à présent son développement du Player Flash destiné aux systèmes d'exploitation Android et BlackBerry. Résultat, tous les utilisateurs d'appareils mobiles équipés du système de Google ou de RIM ne pourront plus suivre les évolutions du Player Flash.

Adobe explique ce choix en annonçant du même souffle que, tout en continuant de supporter et de faire évoluer la version Desktop de son Player Flash, elle concentrera maintenant ses efforts sur :
  1. le développement de HTML5, le compétiteur direct de Flash dans bien des domaines sur le Web, et;
  2. la poursuite de l'optimisation de Flash comme moteur de conception d'applications et de jeu évolués (ex.: 3D).
Ce que ça veut dire concrètement, c'est qu'Adobe se range derrière Apple dans la promotion du HTML5... tout en voulant certainement le supplanter par un investissement majeur en ce domaine, et qu'il délaisse l'adoption de Flash par une partie croissante des appareils dédiés à la navigation Web.

Ce qui est touché en fait, ce sont essentiellement les animations de type SWF, un format de fichier qui permet la diffusion d'animation et d'interactions riches. L'autre type de fichier lu par le Player Flash est le FLV (ou sa version plus récente F4V) qui lui sert à diffuser des vidéos. Or, ce dernier format de fichier ne sera pas touché par la décision d'arrêter de produire le Player Flash pour les systèmes d'exploitation mobiles, pour la simple raison qu'Adobe offre déjà une réponse via son application de streaming. Celle-ci reconnaît la présence ou non du Player Flash sur l'appareil du visiteur et diffuse le vidéo dans un format pouvant être lu par celui-ci (http://www.adobe.com/products/flashmediastreaming/).

Une décision qui s'explique


Flash était l'un des fers de lance chez Adobe. Format propriétaire facile à consulter avec le Player gratuit offert par l'éditeur, il était à l'avant-scène de bien des développements logiciels offerts par Adobe.

Or, les lacunes de Flash étaient aussi bien connues. Flash n'est pas des plus réactifs sur certains appareils Android. Sur la Motorola XOOM, ça passait relativement bien, mais ce n'était pas nécessairement le cas partout. Va de même pour les ordinateurs de moins grande puissance qui ont de la difficulté à faire rouler une animation Flash riche. C'est d'ailleurs l'une des raisons qui avait poussé Apple à refuser l'installation du Flash Player sur le iOS (lire Thoughts on Flash de Steve Jobs, 2010). Avec la montée en puissance des appareils mobiles roulant le iOS, on peut croire qu'il devenait dérisoire pour Adobe de continuer à travailler pour une ouverture de Apple en ce domaine.

Aussi, HTML5 s'est présenté entre-temps comme une option crédible au Flash Player. La plupart des fonctionnalités offertes par Flash peuvent effectivement être réalisées en HTML5, qu'il s'agisse de la diffusion de médias riches ou de multimédia. La disponibilité de diverses librairies JavaScript rend par exemple possible la conception d'animations et d'interactions riches pour l'utilisateur.

Qu'est-ce que ça veut dire concrètement dans le marché de l'Internet aujourd'hui
Avec la croissance du marché des téléphones intelligents et des tablettes, il faut s'attendre à une croissance de la navigation mobile. Déjà, selon NetMarketShare, on est passé d'une navigation mobile représentant 0,91 % des visites de sites en juillet 2009, à 5,5 % en juillet 2011. On doit s'attendre à ce que ce phénomène ne cesse d'augmenter.

Ainsi, si les principes de logique peuvent s'appliquer en ce domaine, on peut croire qu'à terme on observera progressivement une réduction de la proportion de sites incluant du Flash. Les éditeurs de site voudront certainement demeurer visible de tous leurs visiteurs, utilisant tant des appareils mobiles que des ordinateurs traditionnels, ce qui les poussera probablement à délaisser le Player Flash, ou du moins à lui offrir une alternative.

Je sais, on appelle cela de la spéculation, mais avouez que l'idée n'est pas mauvaise...

Et pour le Rapid elearning


Voilà le noeud pour moi. Depuis que je joue dans le monde du elearning, je travaille avec le format Flash de près ou de loin. En effet, les principaux produits utilisés dans le monde du Rapid elearning produisent tous au final un format Flash. Qu'il s'agisse de produits provenant de chez Adobe, comme c'est le cas avec Adobe Captivate ou Adobe Presenter, ou encore de compétiteurs tels que Articulate, tous ces environnements éditeurs produisent minimalement du SWF.

Mais voilà la bonne nouvelle, les gens de chez Adobe se parlent (semble-t-il). N'ayant évidemment pas avantage à abandonner complètement le marché des outils éditeurs et ne pouvant peut-être pas à court terme offrir des logiciels d'édition publiant au format HTML5, les équipes de développement de chez Adobe ont travaillé au développement d'application de conversion. À titre d'exemple, on présentait lors de l'Adobe MAX 2010 un outil de conversion des fichiers FLA au HTML5.

En septembre 2011, le Rapid eLearning | Adobe Captivate Blog publiait quant à lui un article annonçant la disponibilité en bêta d'un convertisseur HTML5 pour les fichiers SWF publiés depuis Adobe Captivate 5.5. Sur l'Adobe Lab, on peut d'ailleurs lire que déjà le HTML5 Converter for Adobe Captivate 5.5 permet de transformer une activité compatible SCORM 1.2 incluant des quiz et des interactions avancées au format HTML5. Tous les éléments introduits dans le SWF généré par Captivate ne sont pas nécessairement convertis pour l'instant, mais la nouvelle est de bon augure, puisqu'elle nous laisse croire qu'à court terme Adobe ne nous laissera pas tomber et continuera à offrir des environnements éditeur.

En conclusion


Reste maintenant à voir quelles orientations prendra Adobe dans ses développements futurs. Mais une chose me semble certaine, cette décision d'arrêter de produire le Player Flash pour Android risque fort d'avoir une incidence sur le marché des appareils mobiles. Déjà ça grogne un peu chez les quelques utilisateurs à qui j'ai parlé de cette nouvelle. Quant à moi, je me console en me disant que, étant équipé du dernier Player Flash disponible pour Android (11.1.102.59), j'atteindrai probablement la limite de la durée de vie de ma XOOM avant de ne plus être capable de naviguer le Web par cause d'un Player Flash trop ancien.

Côté travail cependant, cette annonce m'amène à redoubler d'attention. Quelles seront les orientations prises par Adobe dans les prochains mois? Quelles évolutions connaîtront les produits dédiés elearning?

Une chose est certaine, cette nouvelle milite en faveur d'un réinvestissement de nos énergies vers des solutions qui s'appuieront sur des formats ouverts. Tout compte fait, la voie du HTML5 n'est peut-être pas si mauvaise, mais elle demandera assurément une certaine phase d'appropriation par nos services techniques. Qu'à cela ne tienne, nous devrons y venir, puisqu'il semble qu'on ne puisse plus compter à long terme sur le Player Flash pour nous aider à diffuser nos contenus.